Apparemment encore sous le choc, un Hadji algérien témoin de la bousculade meurtrière de la Mecque raconte ce qui s'est passé sur les lieux. En effet, selon le pèlerin en larmes, trois foules s'est retrouvées face à face suite à la fermetures des issus du tunnels ce qui a poussés les pèlerins à faire demi-tour, les premiers de chaque groupes s'est retrouvés dans un étau qui s'est resserré sur eux par la pression des derniers arrivés.Trois nouvelles victimes algériennes, à l’issue de la bousculade, survenue jeudi dernier, à Mina à la Mecque, ont été identifiées. Le bilan est désormais de sept décès d’origine algérienne, selon un communiqué du ministère des Affaires Etrangères.
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La rencontre entre deux flux de pèlerins, l’un quittant le site de Jamarat où a lieu ce rituel, l’autre arrivant en sens inverse le long d’une rue de 12 mètres de large, a provoqué une catastrophe au bilan extrêmement lourd : 717 morts et 863 blessés.
« L’entrée des pèlerins sur le site de Jamarat est le moment le plus délicat à gérer », a admis un porte-parole du ministère de l’intérieur, interrogé par le Wall Street Journal. Mais les autorités ont vite rejeté la faute sur la supposée indiscipline des pèlerins : « S’[ils] avaient suivi les instructions, on aurait pu éviter ce genre d’accident. De nombreux pèlerins se mettent en mouvement sans respecter les horaires fixés par les responsables de la gestion des rites », a tenté de se dédouaner le ministre saoudien de la santé, Khaled Al-Falah.
Les pèlerins, une masse pas ingérable en soi
La masse de pèlerins est-elle, en soi, ingérable ? Dans l’absolu, non, répondent, catégoriques, Hani Alnabusli et John Dury, auteurs en 2012 d’une étude complète sur les phénomènes de foule à La Mecque – ils ont pour cela a analysé le comportement de 1 194 pèlerins pendant le hadj.
Les deux auteurs distinguent même au contraire, des facteurs « calmants » propres au contexte de La Mecque : l’identification culturelle et religieuse avec les autres limiterait l’angoisse qu’il y a à évoluer au sein d’une foule compacte.
Mais, mettaient-ils en garde, il ne peut y avoir « d’effet linéaire entre la densité croissante de la foule et la sécurité réelle de ceux qui s’y identifient […] car il arrive un moment où les individus, serrés, comprimés, ne peuvent plus rien faire ». C’est à ce moment que la peur gagne les esprits.
Mais la densité de la foule rend tout incident dramatique
« Il faut bien voir que nous sommes, à La Mecque, face à des concentrations monstrueuses de personnes. Et des phénomènes de violentes turbulences apparaissent au-delà des 7 piétons au mètre carré », abonde Guy Theraulaz, directeur de recherches au CNRS, qui a travaillé sur un modèle numérique permettant de simuler les mouvements.
« LES GENS SONT PROJETÉS SUR PLUSIEURS DIZAINES DE MÈTRES »
« Ces turbulences ont une telle force que les gens sont projetés sur plusieurs dizaines de mètres sans contrôler leur capacité à se déplacer. Dès lors, il suffit que quelqu’un soit déséquilibré, qu’il tombe, pour qu’un enchaînement dramatique se déclenche », ajoute-t-il. La tragédie d’hier, reproduisait le pire des scénarios : « celui d’une collision entre deux flux de personnes qui se sont heurtés. »
Lors de la bousculade en 2006, qui a tué 364 pèlerins, la densité de la foule avait été évaluée à 10 personnes par mètre carré. A titre de comparaison, la limite de confort pendant un concert, ou celle que se fixe la RATP pour ses métros en période de pointe est de 4 personnes au mètre carré. Le site Crowd Safety and Risk Analysis, qui a modélisé des hypothèses de foule statique ou en mouvement, situe autour de 5 personnes par mètre carré, environ, le début de la zone à risque.
En 2012, Hani Alnabusli et John Dury avaient calculé que dans la Grande Mosquée, par exemple, la foule se densifiait au fur et à mesure que l’on s’approchait de la Kaaba, la construction en autour de laquelle les pèlerins doivent tourner sept fois : jusqu’à 6 à 8 personnes au mètre carré, soit l’équivalent d’une rame de métro totalement bondée.
Les autorités accusées
Dès lors, la capacité des autorités à sécuriser et réguler les déplacements est fortement mise en cause : « Ces événements ne pourraient pas avoir lieu si les autorités contrôlaient et régulaient les flux de pèlerins », regrette Guy Theraulaz.
Jeudi 24 septembre, Irfan Al-Alawi, cofondateur de l’Islamic Heritage Research Foundation, faisait lui aussi porter l’entière responsabilité de la tragédie sur la municipalité et au gouvernement saoudien : « Les mesures de sécurité sont insuffisantes. Le site est surpeuplé, et aucune mesure de contrôle de foule n’est mise en œuvre (…). Beaucoup de pèlerins ne parlent pas l’arabe, donc ne comprennent pas les indications des agents de sécurité. »
Une fuite en avant ?
Riyadh a beau s’abriter derrière les investissements colossaux (et réels) engagés pour assurer la sécurité du pèlerinage en matière d’infrastructures, sa volonté de porter la capacité de la mosquée à 2,2 millions de personnes dans les prochaines années, contre 1,5 million aujourd’hui, inquiète dans un tel contexte : « Si personne ne bloque l’accès au site quand il atteint le niveau maximal d’affluence, la foule se masse, l’atmosphère devient claustrophobique et les gens paniquent », rappelle Irfan Al-Alawi.
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