Phyllie, 37 ans et Damien, 43 ans, étaient au Bataclan vendredi soir. Ils ont échappé aux terroristes en se cachant, avec d’autres, dans un petit réduit situé à droite de la scène.
« Nous étions à droite de la scène, sur le côté, pas dans la fosse. Le concert avait super bien démarré, l’ambiance était très joyeuse, certains se faisaient porter par la foule. Le chanteur du groupe a même dit à un moment : ‘vous êtes le meilleur public qu’on ait eu depuis longtemps !’ Et puis soudain, on a entendu un bruit de pétards. On a d’abord cru que cela faisait partie du show. Mais non. On a vu les kalachnikovs et là, on a compris que c’était bien réel, que ce n’était pas des balles à blanc.
En quelques secondes, on est passé de la fête à l’enfer. Tout le monde s’est allongé par terre, en essayant de rester silencieux. Et chaque fois que quelqu’un bougeait ou tentait de fuir, ils tiraient, notamment sur ceux qui voulaient partir par la gauche du bâtiment. Nous, on était coincés à droite. A un moment, on a vu qu’ils montaient à l’étage et on en a profité pour se glisser dans un petit renfoncement entre la scène et la salle, une sorte de cagibi, avec des portes, nous étions une vingtaine. Pour ce qu’on a pu en voir, les terroristes étaient habillés normalement, à visage découvert, ils ne cachaient rien. A un moment, on les a entendus crier ‘Allahou akbar’. On a essayé de sa barricader dans ce petit réduit, en coinçant la porte avec une planche à repasser qui se trouvait là. Mais on ne pouvait pas s’enfuir
On était piégés. Il y avait beaucoup de tension. Tout le monde avait très peur. Moi (Phyllie), j’ai appelé mon ex pour lui dire d’embrasser les enfants, parce que je ne savais pas si on allait s’en sortir. Entre 22 heures et l’intervention de la police, vers minuit et demi, ça a été vraiment très long, interminable même. Il y avait avec nous dans le cagibi une personne qui saignait beaucoup, qui avait un garrot, je ne sais pas si elle est encore en vie aujourd’hui. Dans la salle, il y a tellement de gens qui ont été blessés par balle et qui sont peut-être morts d’hémorragie pendant tout ce temps. Je (Phyllie) ne comprends pas pourquoi l’intervention a mis autant de temps à se faire. Qu’est-ce qui pouvait être pire que ce qui s’est passé ?
On peut penser que les terroristes n’avaient pas tant de munitions que cela. Parce que la fusillade a été très nourrie au début, mais après, c’était beaucoup plus espacé. Et ce n’étaient plus des rafales, mais des coups de feu distincts, l’un après l’autre. Puis il y a eu une, ou plusieurs explosions, on ne sait plus, on a appris après que c’était les terroristes qui s’étaient fait sauter. On n’a pas tout de suite compris que la police était intervenue, on a surtout entendu beaucoup de cris, on ne savait pas trop quoi faire.
On a attendu le dernier moment, pour être bien sûr qu’il s’agissait de la police. On est sortis les mains en l’air, et là, on a vu un vrai carnage, une horreur indescriptible. Les policiers nous disaient : ‘ne regardez pas par terre !’ Mais ce n’était pas possible. On marchait dans le sang, il y avait des bouts de chairs, on a du enjamber des corps, d’autant qu’il fallait sortir par le chemin qu’ont emprunté les terroristes en arrivant dans la salle. Même les policiers semblaient dépassés. Et cela aurait pu être pire encore : si les terroristes avaient eu plus de munitions et avaient été plus systématiques, plus méthodiques, on ne serait plus là pour raconter tout ça. Ils auraient fait un carnage encore plus terrible.
Aujourd’hui (samedi), quelques heures après ce drame, on est envahi de plein d’émotions différentes: la rage, la tristesse infinie, l’effroi… On a parlé avec nos familles, et puis on est partis se promener, parce qu’on ne voulait pas rester confinés chez nous. Voir tout ce déferlement médiatique, l’ampleur de l’émotion mondiale, nous ramène sans cesse à ce qu’on a vécu et ce n’est pas évident à gérer. On vit une sorte de décalage. D’autant qu’on n’a pas été pris en charge à la sortie, c’était le chaos total. Tout le monde nous dit qu’on a de la chance d’être en vie. C’est vrai. Mais là, dans nos têtes, on est encore au Bataclan, et c’est très dur. »
Propos recueillis par Alexandre Fache
Avec humanite.fr
« Nous étions à droite de la scène, sur le côté, pas dans la fosse. Le concert avait super bien démarré, l’ambiance était très joyeuse, certains se faisaient porter par la foule. Le chanteur du groupe a même dit à un moment : ‘vous êtes le meilleur public qu’on ait eu depuis longtemps !’ Et puis soudain, on a entendu un bruit de pétards. On a d’abord cru que cela faisait partie du show. Mais non. On a vu les kalachnikovs et là, on a compris que c’était bien réel, que ce n’était pas des balles à blanc.
En quelques secondes, on est passé de la fête à l’enfer. Tout le monde s’est allongé par terre, en essayant de rester silencieux. Et chaque fois que quelqu’un bougeait ou tentait de fuir, ils tiraient, notamment sur ceux qui voulaient partir par la gauche du bâtiment. Nous, on était coincés à droite. A un moment, on a vu qu’ils montaient à l’étage et on en a profité pour se glisser dans un petit renfoncement entre la scène et la salle, une sorte de cagibi, avec des portes, nous étions une vingtaine. Pour ce qu’on a pu en voir, les terroristes étaient habillés normalement, à visage découvert, ils ne cachaient rien. A un moment, on les a entendus crier ‘Allahou akbar’. On a essayé de sa barricader dans ce petit réduit, en coinçant la porte avec une planche à repasser qui se trouvait là. Mais on ne pouvait pas s’enfuir
On était piégés. Il y avait beaucoup de tension. Tout le monde avait très peur. Moi (Phyllie), j’ai appelé mon ex pour lui dire d’embrasser les enfants, parce que je ne savais pas si on allait s’en sortir. Entre 22 heures et l’intervention de la police, vers minuit et demi, ça a été vraiment très long, interminable même. Il y avait avec nous dans le cagibi une personne qui saignait beaucoup, qui avait un garrot, je ne sais pas si elle est encore en vie aujourd’hui. Dans la salle, il y a tellement de gens qui ont été blessés par balle et qui sont peut-être morts d’hémorragie pendant tout ce temps. Je (Phyllie) ne comprends pas pourquoi l’intervention a mis autant de temps à se faire. Qu’est-ce qui pouvait être pire que ce qui s’est passé ?
On peut penser que les terroristes n’avaient pas tant de munitions que cela. Parce que la fusillade a été très nourrie au début, mais après, c’était beaucoup plus espacé. Et ce n’étaient plus des rafales, mais des coups de feu distincts, l’un après l’autre. Puis il y a eu une, ou plusieurs explosions, on ne sait plus, on a appris après que c’était les terroristes qui s’étaient fait sauter. On n’a pas tout de suite compris que la police était intervenue, on a surtout entendu beaucoup de cris, on ne savait pas trop quoi faire.
On a attendu le dernier moment, pour être bien sûr qu’il s’agissait de la police. On est sortis les mains en l’air, et là, on a vu un vrai carnage, une horreur indescriptible. Les policiers nous disaient : ‘ne regardez pas par terre !’ Mais ce n’était pas possible. On marchait dans le sang, il y avait des bouts de chairs, on a du enjamber des corps, d’autant qu’il fallait sortir par le chemin qu’ont emprunté les terroristes en arrivant dans la salle. Même les policiers semblaient dépassés. Et cela aurait pu être pire encore : si les terroristes avaient eu plus de munitions et avaient été plus systématiques, plus méthodiques, on ne serait plus là pour raconter tout ça. Ils auraient fait un carnage encore plus terrible.
Aujourd’hui (samedi), quelques heures après ce drame, on est envahi de plein d’émotions différentes: la rage, la tristesse infinie, l’effroi… On a parlé avec nos familles, et puis on est partis se promener, parce qu’on ne voulait pas rester confinés chez nous. Voir tout ce déferlement médiatique, l’ampleur de l’émotion mondiale, nous ramène sans cesse à ce qu’on a vécu et ce n’est pas évident à gérer. On vit une sorte de décalage. D’autant qu’on n’a pas été pris en charge à la sortie, c’était le chaos total. Tout le monde nous dit qu’on a de la chance d’être en vie. C’est vrai. Mais là, dans nos têtes, on est encore au Bataclan, et c’est très dur. »
Propos recueillis par Alexandre Fache
Avec humanite.fr