Chronique- Mécanique du génocidaire : un homme prend Dieu en otage, puis des peuples entiers, une histoire, une religion, une foi, des gens puis des pays et l’actualité ; puis, vers la fin, il prend en otage un blanc, un américain, un australien, un israélien ou un français ou un chinois ou un écolier pakistanais et le tue.
Puis, par effet ascendance, le meurtre remonte : l’otage est tué, puis, de fil en épées, Dieu, puis des peuples entiers, une histoire, une religion, une foi, des gens puis des pays. Le preneur d’otages tue beaucoup de gens en tuant un seul. Et tue l’humanité en tuant une âme. C’est lié. On est lié par notre humanité et ligoté par nos monstres. C’est la mécanique du génocidaire amateur née du 21ème siècle, tueur en série montante : de l’otage au Dieu, de l’homme à tous les hommes.
L’actualité en est encore à un autre exemple : une sorte de Ben Laden en produit dérivé de sa souche. On prend un pays occidental, un avion, un café, un théâtre ou une rue. On se laisse pousser barbes et tentacules, on s’hallucine sur un morceau du ciel tourné comme une babouche puis on tue.
Cette fois, il s’appelle Man Haron Monis. Avec son turban, sa barbe, son CV de fou des cieux et ses hallucinations. Il est apparu en Australie, cette fois.
Parfois, ce même homme, mi-homme, mi-bombe, apparaît à Londres, à Madrid, dans l’algérois, à Tunis, reprend le même discours, dit des choses absurdes, tue des gens absurdement puis se fait tuer en tuant les survivants, sa race, son pays, son Dieu, les siens et tout le monde de son monde d’origine.
Une maladie. C’est une tumeur du siècle.
Des apparitions morbides qui creusent le ravin entre l’humanité et nous. Dessinent la carte du monde avec deux pays : le pays qui tue et le pays qui se défend. Divisent l’humanité en cadavres et cibles. Ternissent le ciel et ses livres. Assassinent. Que faire alors ? D’où viennent-ils ces Haron Monis Laden ? Qui les fabrique en série ? Pourquoi ? Comment se fait-il que l’on devienne ainsi, fou à noyer ? Par quelles voies ? Chiens éparpillés du wahhabisme, père clandestin du Daech, oncle d’El Qaïda, parent proche des djihadistes universels, protecteur du Boko Haram, matrice de la doctrine qui tue.
Mohammed Ben Abd El Wahabb a créé, il y a presque deux siècles, un désert ; il l’étend partout. Et lance sur l’humanité ses drones prosternés. De Bagdad Café à Lindt Chocolat Cafe. Le génocidaire est désormais partout, émerge dans un lieu, tue, est tué, se ramasse, ramasse ses miettes, émiette le reste du monde puis revient.
C’est Le monstre de la fin des temps. El Massih Eddajal, dit dans les traditions eschatologiques : un homme apparaît à la fin des temps, se proclame envoyé de Dieu, convertira les plus faibles mais aura toujours un signe de son infamie sur son front. Il agitera la terre puis sera tué, un jour. Définitivement. L’antéchrist du crépuscule des idoles. Le génocidaire.
Peine pour les enfants du Pakistan. 132. Mots muets. Kamel Daoud, pour Impact24