La nuit commençait à tomber sur la ville d’Azazga. Un taxieur s’impatientait de trouver un éventuel client pour gagner sa journée. La nuit est tombée mais, toujours pas de client en vue. Seul dans la station, il n’entendait que les chiens et les chats errants qui se disputaient une place dans le dépotoir qui gisait à cent mètres de la station. Il ne perdait pas espoir de trouver un client retardataire. Les ivrognes s’oublient souvent dans les tavernes. Son travail est pénible et risqué mais, il n’a pas le choix. Il doit subvenir aux multiples besoins de sa nombreuse famille.
Tout à coup, il vit une forme humaine qui s’avançait vers lui. Il écarquillait les yeux mais n’arrivait pas à distinguer l’individu dans l’obscurité. Arrivée à son niveau, il se rendit compte que c’était une femme. Elle était vêtue d’une robe kabyle blanche et d’un foulard noir. Elle trimbalait avec elle un ballot de couleur noir.
-Est-ce que vous pouvez m’emmener à Asif Userdun, s’il vous plait ?
-Bien sûr, c’est mon travail. Seulement, on doit d’abord s’entendre sur le tarif car Asif Userdun est loin de 20 km et en plus, je dois appliquer le tarif de nuit.
-Je suis prête à payer le prix que vous jugez convenable.
-Alors, c’est 500 DA.
-D’accord !
Il lui ouvre la portière et elle s’engouffre à l’arrière. En cours de route, ils gardèrent le
Silence. Ils entendaient seulement le moteur qui ronflait. Ils voyaient seulement les lumières qui perçaient les épaisses ténèbres et les arbres qui défilaient comme des fantômes.
Le chauffeur était visiblement stressé. Il ne cessait de regarder sa montre et le rétroviseur.
Il voulait engager la conversation avec elle pour briser un silence qui devenait de plus en plus pesant. Mais, la femme refusait de répondre à ses questions. Elle gardait un mutisme profond qui accentuait son malaise.
-Pourquoi est-ce que tu rentres tard à la maison ?
La femme se tait encore une fois. Le conducteur est embarrassé. Découragé, il décide de se taire, lui aussi. Puis, il sombre dans de profondes pensées, noires et pessimistes. Il regrette même de s’être embarqué dans une aventure qui lui parait de plus en plus incertaine.
Des doutes et des questions commencent à tarauder son esprit :
-Cette femme est mystérieuse ! Qu’a-t-elle à faire à Asif Userdun ? Dans cet endroit, il n’y a aucun village. On trouve uniquement une fontaine et bien sûr la grande rivière traversée par un pont qui sépare les deux communes limitrophes : Ifigha et Bouzeguène.
Perdu dans ses pensées, le taxieur frissonna quant il entendit la femme lui dire :
Arrêtez s’il vous plait, je vais descendre ici.
-D’accord, Madame.
Ils sortirent tous les deux de voiture. Le chauffeur sentit l’air frais de la rivière lui caresser le visage et son corps tressaillir de peur et de froid. Tout était silencieux alentours hormis le murmure de la rivière, le bruit des feuilles d’automne qui tombaient des arbres et le hululement des chouettes et des hiboux.
Ma maison est juste en bas de la route. Accompagnez-moi pour que je puisse vous remettre votre argent.
-Je ne vois pas de maison ?
La femme ne répond pas à sa remarque. Il éteint le moteur et les lumières de sa voiture, ferme les portières et suit la femme dans un sentier étroit et accidenté, envahi par des buissons et toutes sortes de plantes sauvages. Après quelques dizaines de pas, il vit une maison.
-C’est ta maison ? Je ne connaissais pas ce village et pourtant, j’emprunte régulièrement cette route !
Comme d’habitude, la femme garde le silence. Maintenant, ils sont devant la maison. Une vieille maison bâtie en pierre avec une porte en bois rouge. La femme prend une clé dans son corsage et tâtonne pour trouver le trou de la serrure. La porte s’ouvre et la femme rentre dans la maison. Le taxieur attend sur le seuil de la porte. Sans le regarder, elle lui ordonne d’entrer.
-Je reste ici. Demande à ton mari de me ramener l’argent.
-Je n’ai ni parents, ni mari. Je vis seule.
Le conducteur avance avec hésitation vers la maison. Une lampe à pétrole éclaire faiblement le salon ou sont entreposées des toisons. Un métier à tisser est implanté en face de la porte. Une grosse citrouille est accrochée au plafond. Dans un coin, gisent des morceaux de bois éteints, près de l’âtre. Un chat noir dormait paisiblement à coté, nullement dérangé par son intrusion. Subitement, un vent violent ouvre la porte et éteint la lumière. La maison s’enfonce dans un noir effrayant. Le chauffeur tremble comme une feuille. La femme revient avec une bougie allumée dans un récipient en verre. Le vent qui plaquait son corps dessinait Harmonieusement les formes généreuses de son corps mais la situation n’est pas propice aux désirs.
La femme lui remet l’argent dans la paume de sa main. Il sentit la douceur de cette main. Il sentit la chaleur envahir tout son corps et son cœur battre plus fort. Mais, il doit refréner ses désirs. Sa femme l’attend à la maison. Il sort de la maison. Un vent frais finit de calmer ses ardeurs. Il presse le pas. Il a hâte de retrouver sa voiture et sa famille qui doit s’inquiéter pour lui. Il jette un dernier regard en direction de la maison et démarre en trombe.
Le lendemain, il se lève de bonne heure comme d’habitude pour aller travailler. En regardant à l’arrière de sa voiture, il vit le ballot noir que la femme a oublié. Il doit rendre à César, ce qui lui appartient. Il se rend directement à Asif Userdun. Arrivé, il se met à chercher sa maison. Après des recherches infructueuses, il vit un vieil homme en train d’inspecter ses oliviers dans un champ :
-Bonjour monsieur, je cherche la maison de …Il lui raconte en détails son histoire.
Le vieil homme lui répond :
-Cela fait plus de 50 ans que je viens ici pour inspecter ce champ hérité de mes parents.
Je peux t’assurer qu’aucune personne-homme ou femme- ne vit ici. Je connais toute cette région comme ma poche.
Perplexe, le taxieur s’en va. Le souvenir de cette femme étrange continuera de l’intriguer et de garder ses secrets pour l’éternité. Ses questions resteront peut-être sans réponse.
Nouvelle de Messaoudene Fahim, adaptée par Hammar Boussad.
boussadhemmar@yahoo.fr
Par Boussad Hammar
Par Boussad Hammar
Tout à coup, il vit une forme humaine qui s’avançait vers lui. Il écarquillait les yeux mais n’arrivait pas à distinguer l’individu dans l’obscurité. Arrivée à son niveau, il se rendit compte que c’était une femme. Elle était vêtue d’une robe kabyle blanche et d’un foulard noir. Elle trimbalait avec elle un ballot de couleur noir.
-Est-ce que vous pouvez m’emmener à Asif Userdun, s’il vous plait ?
-Bien sûr, c’est mon travail. Seulement, on doit d’abord s’entendre sur le tarif car Asif Userdun est loin de 20 km et en plus, je dois appliquer le tarif de nuit.
-Je suis prête à payer le prix que vous jugez convenable.
-Alors, c’est 500 DA.
-D’accord !
Il lui ouvre la portière et elle s’engouffre à l’arrière. En cours de route, ils gardèrent le
Silence. Ils entendaient seulement le moteur qui ronflait. Ils voyaient seulement les lumières qui perçaient les épaisses ténèbres et les arbres qui défilaient comme des fantômes.
Le chauffeur était visiblement stressé. Il ne cessait de regarder sa montre et le rétroviseur.
Il voulait engager la conversation avec elle pour briser un silence qui devenait de plus en plus pesant. Mais, la femme refusait de répondre à ses questions. Elle gardait un mutisme profond qui accentuait son malaise.
-Pourquoi est-ce que tu rentres tard à la maison ?
La femme se tait encore une fois. Le conducteur est embarrassé. Découragé, il décide de se taire, lui aussi. Puis, il sombre dans de profondes pensées, noires et pessimistes. Il regrette même de s’être embarqué dans une aventure qui lui parait de plus en plus incertaine.
Des doutes et des questions commencent à tarauder son esprit :
-Cette femme est mystérieuse ! Qu’a-t-elle à faire à Asif Userdun ? Dans cet endroit, il n’y a aucun village. On trouve uniquement une fontaine et bien sûr la grande rivière traversée par un pont qui sépare les deux communes limitrophes : Ifigha et Bouzeguène.
Perdu dans ses pensées, le taxieur frissonna quant il entendit la femme lui dire :
Arrêtez s’il vous plait, je vais descendre ici.
-D’accord, Madame.
Ils sortirent tous les deux de voiture. Le chauffeur sentit l’air frais de la rivière lui caresser le visage et son corps tressaillir de peur et de froid. Tout était silencieux alentours hormis le murmure de la rivière, le bruit des feuilles d’automne qui tombaient des arbres et le hululement des chouettes et des hiboux.
Ma maison est juste en bas de la route. Accompagnez-moi pour que je puisse vous remettre votre argent.
-Je ne vois pas de maison ?
La femme ne répond pas à sa remarque. Il éteint le moteur et les lumières de sa voiture, ferme les portières et suit la femme dans un sentier étroit et accidenté, envahi par des buissons et toutes sortes de plantes sauvages. Après quelques dizaines de pas, il vit une maison.
-C’est ta maison ? Je ne connaissais pas ce village et pourtant, j’emprunte régulièrement cette route !
Comme d’habitude, la femme garde le silence. Maintenant, ils sont devant la maison. Une vieille maison bâtie en pierre avec une porte en bois rouge. La femme prend une clé dans son corsage et tâtonne pour trouver le trou de la serrure. La porte s’ouvre et la femme rentre dans la maison. Le taxieur attend sur le seuil de la porte. Sans le regarder, elle lui ordonne d’entrer.
-Je reste ici. Demande à ton mari de me ramener l’argent.
-Je n’ai ni parents, ni mari. Je vis seule.
Le conducteur avance avec hésitation vers la maison. Une lampe à pétrole éclaire faiblement le salon ou sont entreposées des toisons. Un métier à tisser est implanté en face de la porte. Une grosse citrouille est accrochée au plafond. Dans un coin, gisent des morceaux de bois éteints, près de l’âtre. Un chat noir dormait paisiblement à coté, nullement dérangé par son intrusion. Subitement, un vent violent ouvre la porte et éteint la lumière. La maison s’enfonce dans un noir effrayant. Le chauffeur tremble comme une feuille. La femme revient avec une bougie allumée dans un récipient en verre. Le vent qui plaquait son corps dessinait Harmonieusement les formes généreuses de son corps mais la situation n’est pas propice aux désirs.
La femme lui remet l’argent dans la paume de sa main. Il sentit la douceur de cette main. Il sentit la chaleur envahir tout son corps et son cœur battre plus fort. Mais, il doit refréner ses désirs. Sa femme l’attend à la maison. Il sort de la maison. Un vent frais finit de calmer ses ardeurs. Il presse le pas. Il a hâte de retrouver sa voiture et sa famille qui doit s’inquiéter pour lui. Il jette un dernier regard en direction de la maison et démarre en trombe.
Le lendemain, il se lève de bonne heure comme d’habitude pour aller travailler. En regardant à l’arrière de sa voiture, il vit le ballot noir que la femme a oublié. Il doit rendre à César, ce qui lui appartient. Il se rend directement à Asif Userdun. Arrivé, il se met à chercher sa maison. Après des recherches infructueuses, il vit un vieil homme en train d’inspecter ses oliviers dans un champ :
-Bonjour monsieur, je cherche la maison de …Il lui raconte en détails son histoire.
Le vieil homme lui répond :
-Cela fait plus de 50 ans que je viens ici pour inspecter ce champ hérité de mes parents.
Je peux t’assurer qu’aucune personne-homme ou femme- ne vit ici. Je connais toute cette région comme ma poche.
Perplexe, le taxieur s’en va. Le souvenir de cette femme étrange continuera de l’intriguer et de garder ses secrets pour l’éternité. Ses questions resteront peut-être sans réponse.
Nouvelle de Messaoudene Fahim, adaptée par Hammar Boussad.
boussadhemmar@yahoo.fr