Après son premier livre « Mon Algérie à moi » édité en 2013, le jeune talentueux auteur Said Arab vient d’éditer son deuxième roman « L’Audace de rêver » sorti ce 1er juillet chez les éditions EdiLivre en France.
Dans « l’Audace de rêver », Said Arab nous raconte les aspirations de « Mazigh », qui vit dans un pays pleins d’injustices et de hoggra mais qui garde toujours l’espoir de voir son pays fort, juste et reconnaissant envers ses enfants.
Kabylie News: Après Mon Algérie à moi, vous venez de publier votre deuxième roman « L'audace de rêver ». A-t-on besoin de l'audace juste pour rêver?
Said Arab : Pour répondre à cette question, permettez-moi de commencer par passer la parole à Mazigh, le personnage principal de mon roman L’audace de rêver et en même temps le narrateur de l’histoire, qui dit :
"Nous étions des jeunes universitaires dont l’existence nous était compliquée. Nous étions des jeunes qui avions peur de rêver. Oui, nous avions peur de rêver, car pour nous, c’est strictement dangereux de rêver, parce que nous savions que rêver dans notre pays, signifie prendre des risques, vu que les rêves vivent souvent en cauchemars."
Donc oui, en Algérie on a besoin de l’audace pour rêver puisque nous avons peur. Il n’y a que l’audace qui peut combattre la peur qui réside en nous et qui nous accompagne à chaque fois qu’on essaye d’avancer et prendre le devant. Toujours dans le but de répondre à votre question, une autre question me vient à l’esprit : pourquoi avoir peur ? Autrement dit, quelle est l’origine de cette peur et d’où vient-elle ? C’est une question importante, me semble-t-il et je pense que c’est tout le monde qui doit essayer d’y répondre et donner son point de vue là-dessus. Personnellement, je pense que c’est dû au manque de confiance. Il ne s’agit pas ici de confiance en soi, mais plutôt de confiance en "l’autre". J’explique. Prenons l’exemple d’un étudiant qui prépare sa soutenance de fin d’études. Sans aucun doute il sent une peur bleue qui le stresse tant et l’énerve. Dans la plupart des cas, il se trouve que l’étudiant a peur des membres des jurés et de leur attitude avec lui. Et si par chance, il entretient de bonnes relations avec eux et qu’il est sûr qu’ils ne le briseront pas, il aura peur de ceux qui s’occuperont de son entretien d’embauche ou de ceux qui recevront son CV, une fois diplômé. Tout cela parce qu’il ne leur fait pas confiance. D’ailleurs, à chaque fois que nous allons à la rencontre de "l’autre", la première chose que nous faisons, c’est chercher une personne qui le connait pour se présenter en son nom. Dans ce cas là, c’est la tranquillité totale. Nous ne serons pas tranquilles parce que nous pensons que notre rêve se réalisera et que les portes nous seront ouvertes. Loin de là. Mais seulement parce que nous serons sûrs d’être bien accueillis et que nous ne serons pas humiliés. J’ai donné l’exemple d’un étudiant sur le point d’avoir son diplôme, et je peux donner aussi l’exemple d’un candidat se présentant pour son examen de conduite. La seule question qu’il n’arrêterait pas de se poser, c’est : qui sera l’ingénieur ? Est-il gentil ? Est-il professionnel ou bien il fera tout pour me faire échouer ? Pareil pour un malade qui se rend chez le médecin, pareil pour une victime allant voir un avocat…Je ne sais pas pourquoi c’est comme ça. Je laisse les spécialistes s’en occuper, mais à cause de cette relation basée sur "la méfiance" entre "l’un" et "l’autre", aujourd’hui nous assistons à des comportements malhonnêtes, véreux tels que corrompre, pistonner et faire des avances.
De quoi rêve Saïd Arab dans L'audace de rêver?
S.A : C’est vrai que pour écrire L’audace de rêver, je me suis inspiré de certaines de mes expériences personnelles, afin de mieux m’approcher de mes personnages, mais dans la plupart de temps, je ne suis qu’un observateur. En d’autres mots, je n’ai aucun rêve particulier dans mon roman, car il ne s’agit pas de mon histoire mais de celle de Mazigh et ses amis. Du coup, je vais vous dire quel est le rêve de mes personnages. Humains qu’ils soient ou animaux, ils rêvent de quitter leur pays. Quant à Mazigh, il veut certes partir loin avec sa bien-aimée Tayri, mais au fond de lui il rêve d’une Algérie forte, juste et reconnaissante ; une Algérie qui prend soin des Algériens et les protège.
Vous avez parlé dans votre livre, entre autre de haraga, immolations, pillage d’argent du peuple et pleines d'injustices. À votre avis, quel avenir attend l'algérien?
S.A : Si on se projette dans l’avenir et imaginer comment sera l’Algérie de demain, je dirais qu’il y aura plusieurs scénarios possibles. Du coup, cette question peut avoir plusieurs réponses valables. Et personnellement, je n’en ai aucune. Ce que je sais, c’est que l’Algérie d’aujourd’hui va et vit mal. Que se soit sur le plan politique ou sur le plan socio-économique, c’est le chaos total. Depuis la maladie du président, on a l’impression qu’elle est prise en otage par des personnes qui la malmènent et dont le seul souci, c’est profiter pleinement de cette situation et tout faire pour que les choses restent telles qu’elles sont. Grace à l’internet et aux réseaux sociaux, tout le monde sait ce qui se passe en Algérie. Tous les Algériens sont au courant, dans les moindres détails, de l’abus du pouvoir de nos responsables. Ils savent tous qui a volé et combien il a volé. Ils savent tous qui a tué et combien il a tué. Ils savent tous qui est le coupable et qui est l’innocent. Mais ils ne font rien du tout pour que la justice soit rendue. Ils ne font rien du tout pour que ça change.
Notre société d’aujourd’hui, elle est certes consciente, mais hypnotisée et manipulée à tel point de se contenter de regarder sans rien faire, comme s’il s’agissait d’un spectacle, d’une pièce théâtrale ou d’un film. J’ignore si cela est voulu ou pas, mais en Algérie d’aujourd’hui ça n’existe plus "l’intérêt général". Chacun de nous pense à sa petite personne. Nous vivons dans une société individualiste, une société sans repères et sans guide… Certaines personnes peuvent prétendre le contraire et dire qu’elle (l’Algérie) se porte mieux que la Tunisie, la Lybie, la Syrie ou l’Egypte. Mais je reste convaincu que l’Algérie mérite mieux de ce qu’elle est aujourd’hui. À mon avis, en Algérie le terme "Austérité" ne doit pas exister. Et si son existence est inévitable, il doit être appliqué sur les personnes qui sont à l’origine de la crise et non pas sur tous les Algériens...
C’est vrai que je n’ai pas de réponse à votre question, mais en tant qu’Algérien, j’espère que l’Algérie puisse se mettre sur les railles, voire le bon chemin, et que l’Algérien vive comme il le doit : tranquille, stable et en paix.
Notre société d’aujourd’hui, elle est certes consciente, mais hypnotisée et manipulée à tel point de se contenter de regarder sans rien faire, comme s’il s’agissait d’un spectacle, d’une pièce théâtrale ou d’un film. J’ignore si cela est voulu ou pas, mais en Algérie d’aujourd’hui ça n’existe plus "l’intérêt général". Chacun de nous pense à sa petite personne. Nous vivons dans une société individualiste, une société sans repères et sans guide… Certaines personnes peuvent prétendre le contraire et dire qu’elle (l’Algérie) se porte mieux que la Tunisie, la Lybie, la Syrie ou l’Egypte. Mais je reste convaincu que l’Algérie mérite mieux de ce qu’elle est aujourd’hui. À mon avis, en Algérie le terme "Austérité" ne doit pas exister. Et si son existence est inévitable, il doit être appliqué sur les personnes qui sont à l’origine de la crise et non pas sur tous les Algériens...
C’est vrai que je n’ai pas de réponse à votre question, mais en tant qu’Algérien, j’espère que l’Algérie puisse se mettre sur les railles, voire le bon chemin, et que l’Algérien vive comme il le doit : tranquille, stable et en paix.
Votre livre est édité chez les éditions Edilivre, en France. C’est toujours difficile de trouver un éditeur en Algérie, surtout quand on est un jeune auteur ?
S.A : Quand j’ai terminé l’écriture de mon roman L’Audace de rêver, je n’ai pas réfléchi deux fois pour le proposer à Edilivre. C’est Edilivre qui a publié mon premier roman Mon Algérie à moi (en 2013) et je ne voyais pas pourquoi changer d’éditeur.
Quant à votre question, permettez-moi de vous raconter une ou deux expériences que j’ai eues avec l’éditeur algérien. Il y a environs deux ans, j’ai proposé Mon Algérie à moià un éditeur algérien et lorsque je lui ai dit qu’il est édité aux éditions Edilivre, il m’a dit : « Nous ne travaillons pas avec Edilivre ». Lorsque je lui ai dit pourquoi, il m’a répondu que parce que les livres qu’Edilivre édite ne sont pas bons!!! Donc il n’avait pas seulement mal jugé Edilivre qui travaille avec des écrivains doués et talentueux, mais aussi il a mal jugé mon livre sans même le lire !!! Il y a à peine une année, je l’ai proposé à un autre éditeur. Je lui ai donné le roman et il m’a dit que j’aurai ma réponse dans deux mois. Cinq mois passèrent et lorsque je l’ai contacté, il m’a dit qu’il ne l’a pas encore lu ! Deux mois après, je l’ai contacté et il m’a donné pratiquement la même réponse ! Il a gardé le roman pendant une année et il ne l’a même pas lu !!! Tout ça m’incite à dire qu’en Algérie, il n’y a pas de vrais éditeurs, c'est-à-dire des éditeurs qui lisent d’abords, puis ils critiquent et jugent ; des éditeurs qui découvrent des talents et les aident à aller aussi loin que possible dans leur carrière artistiques. Du coup, personnellement, je ne vois pas de différence entre un propriétaire d’une alimentation générale et un propriétaire d’une maison d’édition. Ils sont tous les deux commerçants. C’est pourquoi, le jour où je souhaiterais attirer l’attention des éditeurs algériens, j’écrirai un livre de cuisine dans lequel je donnerai des recettes pour une salade de fruits ou des crêpes…
Propos recueillis par Madjid Serrah
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