L’écrivain ne peut se mettre au service de ceux qui font l’histoire, il est, plutôt, au service de ceux qui la subissent, ainsi qu’Albert Camus définit le rôle de l’écrivain dans sa société. La dernière sortie médiatique de Boualem Sansal (le Monde de 19/07/16), nous emmène à une autre époque, à celle de la guerre de libération nationale et à la fameuse expression camusienne de 1957.
Lors de la remise de son Prix Nobel à Stockholm, un jeune étudiant algérien de nom de Said Kessal avait interpellé Camus sur son silence, vis-à-vis de ce qui se passait en cette période, en Algérie. C'est alors, que l'écrivain, lui rétorquait par sa fameuse phrase « en ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si cela la justice, je préfère ma mère à la justice ». Une phrase déformée ensuite par le reporter du Monde pour la résumer en celle là «Je crois à la Justice, mais je défendrai ma mère avant la Justice.» Puis, la rumeur en a fait le reste : « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère», allusion faite, par ses « ennemis » à sa mère Patrie ; la France. Par sa position, il dénonçait les actes terroristes commis contre les colons, mais ne s'opposerait pas à la justice de sa terre natale. Il était pour une résolution pacifiste. Face à la violence de la guerre d'indépendance nécessaire, Albert Camus écrit dans "l'Homme révolté" (1951),: "qu'Il y a des crimes de passion et des crimes de logique, la frontière qui les sépare est incertaine..." Pour, l'auteur de l'Etranger, quelle que soit la cause que l'on défend, celle-ci restera déshonorée par le massacre aveugle d'une foule innocente, où le tueur sait d'avance qu'il atteindra la femme et l'enfant. (chroniques de 1955).
Si Camus est encore vivant aurait-il pris, aujourd'hui, la même position vis-à-vis de la lutte contre le terrorisme international ? ou bien aurait-il comparer la violence nécessaire, exercer au nom d'une cause noble, pour l'amour de la Patrie, de la justice et de liberté à celle, injustifiée, qui est pratiquée au nom d'une idéologie radicaliste, avec un sentiment égoïste et l'espoir de se réjouir au Paradis des 72 vierges ? ou alors, il aurait continu à condamner la terreur et le terrorisme qui s'exerce aveuglément sous toutes ses formes.
Sansal aurait répondu à sa place !
Tariq Chami
Doctorant en journalisme