Lors d’un débat télévisé sur des propositions d’amendements à la constitution algérienne, l’activiste politique Aouicha Bekhti dénonce la proposition de faire de l’amazigh une langue officielle de l’Etat algérien comme une « tromperie ». Elle déplore que cette langue ne soit pas mise sur un pied d’égalité avec l’arabe. « Pourquoi créer cette hiérarchie entre les langues arabe et amazighe ? », demande-t-elle. « L’une est la langue officielle, et l’autre est… eh bien, un peu moins. »
Elle ajoute que l’énoncé du préambule du projet de constitution, selon lequel l’Algérie est « un pays arabe » est une « provocation ». « Si nous tenons à ajouter l’ethnicité, l’ethnie d’origine de l’Algérie est amazighe », dit-elle. Le débat a été diffusé le 14 janvier 2016 sur Beur TV, regardée essentiellement par les communautés d’Afrique du Nord.
Extraits :
Aouicha Bekhti : La constitution est le document fondamental d’une république. Il est stipulé dans le préambule de ce projet de constitution que « le peuple est la source de l’autorité ». Pourtant, il y a un petit problème avec cette « source de l’autorité ». Si le peuple est vraiment la source de l’autorité, pourquoi lui imposons-nous une constitution sur laquelle il n’a pas son mot à dire ?
Il aurait dû y avoir un vaste débat public, avec pour point culminant un référendum.
Journaliste : Les gens disent que les concertations sur ce projet durent depuis 2011. Cela fait presque cinq ans.
Aouicha Bekhti : Des concertations avec qui ? Avec [l’ancien président du FIS] Madani Mezrag ? Madani Mezrag me représente-t-il ? Madani Mezrag est un criminel, comme il l’a lui-même reconnu à la télévision, et pourtant il a été reçu par le bureau des consultations du président.
[…]
Le préambule parle aussi d’inclure la réconciliation nationale à la constitution. Qui leur en donne le droit ?
[…]
Cette réconciliation nationale a été imposée [à la population]. Cela signifie l’impunité pour les criminels. Comment se fait-il que des représentants de ces criminels aient été reçus par… Des gens qui partagent mon idéologie moderniste ne peuvent [être consultés] en même temps que Madani Mezrag qui, jusque récemment, se rendait sur les plateaux télévisés pour décrire comment il avait massacré un soldat algérien. La place de cet individu est en prison. Nous ne l’avons pas vu puni par la loi. Il est reçu dans le bureau du président, et vous attendez de moi… Moi, personnellement, je n’appartiens à aucun parti politique… Mais comment attendez-vous de membres de factions modernes, ayant un tant soi peu d’estime de soi, qui ont combattu ces criminels ces dernières décennies, qu’ils acceptent l’invitation à être consultés et mis sur un pied d’égalité avec ces criminels ?
Politicien Mohamed Belcor : Selon les articles juridiques de la réconciliation nationale, quiconque portait une arme et l’avouait était puni par la loi. Ces personnes étaient punies et envoyées en prison. Vous parlez de Madani Mezrag. Cette personne était un chef…
Aouicha Bekhti : C’était un tueur, pas un chef. C’était le chef des criminels…
Mohamed Belcor : Vous voulez nous ramener à 1997-98 ?
Journaliste : L’une des questions les plus importantes de ce projet de constitution est le statut constitutionnel de la langue amazighe. Certains considèrent que c’est une affaire de troc : en échange de quelques articles dérangeants, ils ont lâché cet article, pour faire taire l’opposition. Comme pour dire : nous vous faisons un cadeau sous la forme d’un statut constitutionnel de la langue amazighe. C’est ce que certains disent. Allez-y, Monsieur.
Mohamed Belcor : D’abord, tout le peuple algérien apprécie ce succès, qui répond à la demande exprimée d’une certaine région d’Algérie… L’identité et l’origine de l’Algérie… L’ensemble de la population algérienne était amazighe. Nous avons été arabisés par les conquêtes musulmanes, mais nous sommes tous d’origine amazighe. C’était un accomplissement qui visait à protéger la souveraineté et l’unité nationale, suite aux demandes sécessionnistes d’une certaine région de notre chère patrie.
Aouicha Bekhti : Les Algériens sont amazighs, et c’était une demande légitime. […] Mais je l’ai perçue comme une tromperie. L’article 3 stipule que « l’arabe est la langue nationale et officielle », et que « l’article 3 bis »… Pourquoi « bis » ?
S’il y avait une vraie volonté politique (en français), pourquoi écrire « bis » ? Nous devrions placer les deux langues au même niveau : « Les langues arabe et amazighe sont les langues nationales et officielles ». Ensuite ils écrivent que « l’arabe est la langue nationale et officielle de l’Etat algérien ». C’est comme s’ils disaient : l’Etat est islamique avec la langue arabe, et le reste, faites-en ce que vous voulez. Ils créent un fossé entre l’Etat et la société. Lorsque vous écrivez « bis », cela a une signification juridique. Un article « bis » peut être retiré et abrogé. Pourquoi créer cette classification, cette hiérarchie entre les langues arabe et amazighe ? L’une est la langue officielle, et l’autre est… eh bien, un peu moins.
[…]
Dans le préambule, ils disent que l’Algérie est « une terre arabe », et également africaine. L’Algérie est un pays méditerranéen-africain, mais n’est pas arabe. Elle est amazighe. Cela ne signifie pas que nous renions la composante arabe, qui est apparue avec l’islam, et – c’est bien cela – s’est implantée pour devenir une partie de l’identité algérienne. S’ils n’avaient pas dit « terre arabe », je n’aurais rien dit. Ils auraient pu simplement dire « africain et méditerranéen ». Mais lorsque vous dites « terre arabe », c’est une provocation. C’est une provocation. Pourquoi ne pas ajouter « amazighe » alors ? « Arabe » est un terme ethnique, non géographique. Nous pouvons nous contenter de dire qu’elle est méditerranéenne et nord-africaine. Si nous tenons à ajouter l’ethnie, l’ethnie d’origine de l’Algérie est amazighe. L’identité arabe est venue avec l’islam. Elle existe depuis 15 siècles, et nul ne conteste l’élément arabe dans l’identité algérienne. Mais ne réécrivons pas l’histoire. Au 21e siècle, nous ne pouvons faire cela.
[…]
Je suis fière de mon origine amazighe nord-africaine, et aussi de la composante arabe de cette identité. Mais en aucun cas nous n’appartenons au panarabisme, à ces baasistes.
Avec MEMRI TV et Amazigh24
Elle ajoute que l’énoncé du préambule du projet de constitution, selon lequel l’Algérie est « un pays arabe » est une « provocation ». « Si nous tenons à ajouter l’ethnicité, l’ethnie d’origine de l’Algérie est amazighe », dit-elle. Le débat a été diffusé le 14 janvier 2016 sur Beur TV, regardée essentiellement par les communautés d’Afrique du Nord.
Extraits :
Aouicha Bekhti : La constitution est le document fondamental d’une république. Il est stipulé dans le préambule de ce projet de constitution que « le peuple est la source de l’autorité ». Pourtant, il y a un petit problème avec cette « source de l’autorité ». Si le peuple est vraiment la source de l’autorité, pourquoi lui imposons-nous une constitution sur laquelle il n’a pas son mot à dire ?
Il aurait dû y avoir un vaste débat public, avec pour point culminant un référendum.
Journaliste : Les gens disent que les concertations sur ce projet durent depuis 2011. Cela fait presque cinq ans.
Aouicha Bekhti : Des concertations avec qui ? Avec [l’ancien président du FIS] Madani Mezrag ? Madani Mezrag me représente-t-il ? Madani Mezrag est un criminel, comme il l’a lui-même reconnu à la télévision, et pourtant il a été reçu par le bureau des consultations du président.
[…]
Le préambule parle aussi d’inclure la réconciliation nationale à la constitution. Qui leur en donne le droit ?
[…]
Cette réconciliation nationale a été imposée [à la population]. Cela signifie l’impunité pour les criminels. Comment se fait-il que des représentants de ces criminels aient été reçus par… Des gens qui partagent mon idéologie moderniste ne peuvent [être consultés] en même temps que Madani Mezrag qui, jusque récemment, se rendait sur les plateaux télévisés pour décrire comment il avait massacré un soldat algérien. La place de cet individu est en prison. Nous ne l’avons pas vu puni par la loi. Il est reçu dans le bureau du président, et vous attendez de moi… Moi, personnellement, je n’appartiens à aucun parti politique… Mais comment attendez-vous de membres de factions modernes, ayant un tant soi peu d’estime de soi, qui ont combattu ces criminels ces dernières décennies, qu’ils acceptent l’invitation à être consultés et mis sur un pied d’égalité avec ces criminels ?
Politicien Mohamed Belcor : Selon les articles juridiques de la réconciliation nationale, quiconque portait une arme et l’avouait était puni par la loi. Ces personnes étaient punies et envoyées en prison. Vous parlez de Madani Mezrag. Cette personne était un chef…
Aouicha Bekhti : C’était un tueur, pas un chef. C’était le chef des criminels…
Mohamed Belcor : Vous voulez nous ramener à 1997-98 ?
Journaliste : L’une des questions les plus importantes de ce projet de constitution est le statut constitutionnel de la langue amazighe. Certains considèrent que c’est une affaire de troc : en échange de quelques articles dérangeants, ils ont lâché cet article, pour faire taire l’opposition. Comme pour dire : nous vous faisons un cadeau sous la forme d’un statut constitutionnel de la langue amazighe. C’est ce que certains disent. Allez-y, Monsieur.
Mohamed Belcor : D’abord, tout le peuple algérien apprécie ce succès, qui répond à la demande exprimée d’une certaine région d’Algérie… L’identité et l’origine de l’Algérie… L’ensemble de la population algérienne était amazighe. Nous avons été arabisés par les conquêtes musulmanes, mais nous sommes tous d’origine amazighe. C’était un accomplissement qui visait à protéger la souveraineté et l’unité nationale, suite aux demandes sécessionnistes d’une certaine région de notre chère patrie.
Aouicha Bekhti : Les Algériens sont amazighs, et c’était une demande légitime. […] Mais je l’ai perçue comme une tromperie. L’article 3 stipule que « l’arabe est la langue nationale et officielle », et que « l’article 3 bis »… Pourquoi « bis » ?
S’il y avait une vraie volonté politique (en français), pourquoi écrire « bis » ? Nous devrions placer les deux langues au même niveau : « Les langues arabe et amazighe sont les langues nationales et officielles ». Ensuite ils écrivent que « l’arabe est la langue nationale et officielle de l’Etat algérien ». C’est comme s’ils disaient : l’Etat est islamique avec la langue arabe, et le reste, faites-en ce que vous voulez. Ils créent un fossé entre l’Etat et la société. Lorsque vous écrivez « bis », cela a une signification juridique. Un article « bis » peut être retiré et abrogé. Pourquoi créer cette classification, cette hiérarchie entre les langues arabe et amazighe ? L’une est la langue officielle, et l’autre est… eh bien, un peu moins.
[…]
Dans le préambule, ils disent que l’Algérie est « une terre arabe », et également africaine. L’Algérie est un pays méditerranéen-africain, mais n’est pas arabe. Elle est amazighe. Cela ne signifie pas que nous renions la composante arabe, qui est apparue avec l’islam, et – c’est bien cela – s’est implantée pour devenir une partie de l’identité algérienne. S’ils n’avaient pas dit « terre arabe », je n’aurais rien dit. Ils auraient pu simplement dire « africain et méditerranéen ». Mais lorsque vous dites « terre arabe », c’est une provocation. C’est une provocation. Pourquoi ne pas ajouter « amazighe » alors ? « Arabe » est un terme ethnique, non géographique. Nous pouvons nous contenter de dire qu’elle est méditerranéenne et nord-africaine. Si nous tenons à ajouter l’ethnie, l’ethnie d’origine de l’Algérie est amazighe. L’identité arabe est venue avec l’islam. Elle existe depuis 15 siècles, et nul ne conteste l’élément arabe dans l’identité algérienne. Mais ne réécrivons pas l’histoire. Au 21e siècle, nous ne pouvons faire cela.
[…]
Je suis fière de mon origine amazighe nord-africaine, et aussi de la composante arabe de cette identité. Mais en aucun cas nous n’appartenons au panarabisme, à ces baasistes.
Avec MEMRI TV et Amazigh24